Je pars seul en randonnée pour m’accompagner avec moi-même. Après avoir enfilé mes chaussures et sécurisé mon sac à dos, je fais mes premiers pas sur le sentier et deux pensées se croisent. Je reviens sur le mot randonnée qui me fait réaliser que ce n’est pas un rang donné mais un choix qui m’appartient et auquel je co-participe. Et ensuite j’observe le sentier et je me rappelle que je suis sans tiers, seulement avec moi-même.
Je suis moi dans ce bref instant.
Alors je continue mon chemin accompagné des bruits et des odeurs de la nature qui m’entoure. Je me perds rapidement dans d’autres pensées, je voyage.
Je vois y’a Je…
C’est une nouvelle aire de Je où Je suis le libre arbitre. Sur ce terrain là, c’est moi qui mets en place les règles du Je. Je signale le hors Je, je retarde la prise du Je ou je fais partie du Je.
Fini les lignes, tout est discontinu, sauf la discontinuité elle-même, qui est continue évidemment. Car le Je de ligne héréditaire continu avec chacun de nous et ces pêchers de lignées qui ne sont que des fils tendus dans une certaine direction.
Allongé à l’ombre sous un vieux chêne je ressens mon corps en contact avec la terre et j’écoute le silence qui m’entoure. Cette marche en pleine nature fait du bien à mon âme. Je rêve de Je olympiques, de mythologie, de Je de paume, de pêche à la ligne où les âmes sont libres, je me sens hors matière, je fais partie de tout ce qui m’entoure et tout ce qui m’entoure fait partie de moi, une fusion du passé, présent et futur. Je flotte, c’est si bon d’être libre.
Et tout à coup, un bruit sec me ramène à la réalité, j’ouvre les yeux à demi-conscient et j’observe trois personnes devant moi en rang d’honneur ou en rang d’oignon, je ne suis pas certain sauf que je suis bien de retour sur terre dans le collectif.
Je leur indique leur chemin et moi je retourne au mien. Sur mon retour je pense à ma prochaine randonnée en pleine nature et à tous ceux qui passent leur temps avec le Je en ligne. Après tout, à chacun son libre arbitre…
Philippe Lafargue