Parole de Chamane

Dans un village ordinaire où vivait une population ordinaire, une situation ordinaire nécessitait une intervention extraordinaire…

Depuis des mois et des mois, aucune goutte de pluie n’avait été accordée par le Ciel à cette terre ordinaire…

La population avait pourtant eu recours, selon ses croyances, à tout ce qu’elle connaissait afin de remédier à une telle catastrophe : pas de pluie ; pas de récolte. Pas de récolte ; pas de nourriture. Pas de nourriture ; pas de vie.

La peur avait gagné le cœur des hommes, des femmes et commençait à s’insinuer dans le cœur des enfants.

Le chef avait ordonné, du haut de son savoir de chef, des diètes à n’en plus finir afin que les sacrifices imposés au corps puissent toucher l’âme du Ciel. Manger, boire et même respirer étaient sous contrôle du chef. Avoir faim, ne pas dormir pour rester éveillé, se mettre volontairement en insécurité devaient attendrir le Ciel…Mais il n’en fût rien. Chacun commença à envier l’autre de la bouffée d’air qu’il s’était autorisée. L’agressivité devenait le lien visible entre tous. Le chef déversa ses théories dans de grands discours que personne ne comprenait mais chacun acquiesçait ; avoir l’air intelligent pouvait, peut-être, donner du sens à la catastrophe. L’individualisme menait ces gens à leur destruction alors le chef ordonna la concorde générale…Un pour tous et tous pour un : la survie de ce clan en dépendait.

Les diètes, les sacrifices, les retenues d’émotion ne changeaient rien : toujours pas une goutte de pluie.

Le chef modifia son approche…il ordonna des orgies, le plaisir sans complexe en espérant que les dieux qui pratiquaient et entretenaient cette énergie débridée auraient un petit remerciement en retour sous forme de pluie…Rien.

On se mit à prier tous les dieux disponibles, à appeler très fort des phénomènes paranormaux. La sorcellerie, pourtant jusqu’alors réprimandée, fût nommée par le chef ressource première de guérison…

Les lois du Grand Tout devinrent une nouvelle religion !

Le chef n’avait plus d’idée, plus de force. Son pouvoir était remis en question.

Par désespoir, il accepta d’appeler le Faiseur de pluie.

Ce personnage était précédé de sa réputation : après son passage, plus rien n’était comme avant.

Un message urgent fût déposé au creux d’un arbre millénaire trônant au sommet d’une colline ensoleillée. Le Faiseur de pluie connaissait les mystères de la Vie et de la Mort. Il reçut la demande avec humilité mais posa ses conditions : il exigeait d’habiter seul une hutte très éloignée du village. Il exigeait qu’aucun contact ne s’établisse avec lui. Il confectionnerait lui-même ses repas. Il ne voulait ni voir ni entendre personne.

Les exigences semblèrent bien anecdotiques au chef et même un peu simplistes pour un homme avec une telle réputation. Son pouvoir de chef n’était pas en danger.

Personne ne sût à quel moment cet homme vénérable arriva à bonne distance du village…Mais un jour la pluie fût libérée du Ciel…Les cris de joie en remerciements résonnèrent dans tout le pays.

Une jeune femme, malgré les exigences du Faiseur de pluie, voulût le remercier de toute la beauté de son âme. Elle courût à la petite hutte dont elle trouva la porte grande ouverte. Un seul chemin permettait de partir du village. Elle courût aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Au loin, elle aperçut l’homme et l’appela de toutes ses forces. Il se retourna et lui fit signe de stopper sa course.

Elle lui cria sa gratitude.

Le Faiseur de pluie s’exprima tout bas mais étonnamment, la jeune femme entendit chaque mot au creux de son oreille : « Je ne suis pour rien dans cette pluie lâchée par le Ciel. Le seul traitement au malheur était l’éloignement d’une seule personne au cœur pur, libre de recréer par elle-même l’abondance proposée par les étoiles et désirant de tout son Amour vivre en respect de ses esprits alliés ».

Nadjejda Tretiakoff

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