Voilà plus d’un quart de siècle que, oreilles attentives et cœur présent, je reçois les témoignages d’enfance triste, maltraitée, ignorée, bafouée et tout ceci dans une ambiance de culpabilité de la part de femmes et d’hommes, autant dire d’enfants dans des corps de grands. Ils auraient tout donné pour remonter le temps et goûter la joie simple d’une famille aimante…
Dans le dictionnaire historique d’Alain REY voici le mot « famille » : du latin classique familia dérivé de famulus « serviteur ». Étymologiquement c’est l’ensemble des esclaves attachés à la maison du maître puis tous ceux qui vivent sous le même toit et sur qui règne l’autorité du pater familias, le chef de la familia.
Plus tard « famille » s’est imposé en français en désignant les personnes vivant sous le même toit et les domestiques seuls ; une féodalité : ceux qu’unit un lien de vassalité à un seigneur.
Chacun d’entre nous, relié à l’inconscient collectif depuis toujours, connait l’origine des mots et la symbolique portée par la vibration de la musique des mots. Chacun d’entre nous entend le mot « famille » comme l’expression d’un asservissement.
Si je poursuis mon propos, le mot « adopter » vient du latin adoptare : ad ajouter à, vers et optare choisir, choisir pour soi de manière durable.
Au sens premier « adopter » se disait pour recueillir dans sa famille, sans formalités ni conséquences juridiques.
Alors je me demande si nous ne nous trompons pas de direction lorsque c’est à l’enfant de trouver sa place dans la famille. La thérapie orientée ainsi se heurte à une évidence, très claire selon moi. C’est à l’enfant de décider s’il souhaite adopter ceux qui se présentent comme ses parents !
« Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées, car ils ont leurs propres pensées. Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes, car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter, pas même dans vos rêves… » Khalil Gibran.
Nos âmes choisissent un homme et une femme pour s’incarner et parcourir le chemin de la Vie. Cette femme et cet homme ne sont qu’une famille d’accueil, un commencement. S’ils mettent du cœur à l’ouvrage, car il en faut beaucoup, ils apprendront petit à petit à devenir parents, et c’est une œuvre délicate, fragile et incertaine nécessitant abnégation et don de soi.
Seul l’enfant ressent ce qui vient du cœur et reçoit en retour son amour. Seul l’enfant sent s’il désire adopter ses parents.
« Respecter ses enfants en tant qu’individus séparés, capables de prendre des décisions sur leur vie, voilà le pas le plus difficile à accomplir pour des parents. Certains n’y parviennent jamais » Jean Davies Okimoto.
Pourquoi ? « L’instinct de domination est inhérent à l’être humain. Dans notre vie quotidienne, nous sommes tous dominants ou dominés, et, le plus souvent, tantôt l’un tantôt l’autre selon les partenaires, les circonstances, les lieux… Et chacun, quand il entend être dominant, a ses arguments brutaux, raisonnés ou sournois afin d’imposer ses vues. Avec en plus, souvent, une certaine dose de bonne conscience : s’il agit ainsi, c’est pour le bien de l’autre, ou le fonctionnement impeccable de la maison. Où finit l’exercice légitime de l’autorité, la démarche raisonnable pour obtenir ce que l’on désire ? Où et sous quelles formes commence l’abus de pouvoir pour parvenir à ses fins ? L’enfant est le carnet de notes des parents qui tous aspirent à avoir 20/20. Pour cela, certains imposent leur propre idéal de perfection » Judith Viorst.
À l’origine du mot « autorité » il y a la musique de « confiance » et « sécurité ». Un enfant reçoit l’autorité de celui que se propose comme parent si elle est accompagnée des sensations de sécurité et de confiance…
Les personnes qui acceptent ce qui pourrait sembler être un paradoxe « adopter ou pas ses parents » se sentent libérées de l’obligation jamais satisfaite d’être enfin l’enfant idéal.
Pas d’enfant idéal, pas de parent idéal, juste des rendez-vous partagés ou pas.
Nadjejda Tretiakoff.
En illustration, la photo de Rosette, nébuleuse pouponnière d’étoiles…
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