Visite opportune

Je viens de passer une nuit blanche dans le noir complet. 

Mon inconscient a tenté de me délivrer un message. Mon mental a sorti le grand Je et toutes ses stratégies pour bloquer l’information. 

Je me suis retrouvé dans un château de verre, hermétiquement scellé, avec au centre une bibliothèque déroulante. Il y avait une infinité d’ouvre-âges et, à ma grande surprise, un seul auteur ; moi. 

Il y avait là, de courtes histoires sur des sujets qui m’accompagnent tous les jours. Des livres de choix qui tiennent bien en main avec des reliures magnifiques qui sentent bon le vieux et le passé… Je suis resté immobile devant certains de mes classiques comme l’éloge de la peur avec son épilogue angoissant, l’éloge de la colère avec son épilogue très contrôlant, l’éloge de la tristesse avec un épilogue endeuillé et plein d’autres qui me fascinent et m’hypnotisent toujours autant.

Ce matin là, je remercie le couvre-feu car ça chauffe bien à l’intérieur de moi, tellement bien, que j’ai refusé un rendez-vous avec moi-même. Et pendant que je savoure cette solitude imaginaire, on sonne à la porte. 

Me voilà devant deux entités qui se présentent l’une comme étant le plaisir et l’autre, la joie. Elles font partie de l’association « Libérer l’esprit ». Elles me proposent une carte de membre fondateur et en cadeau, un semainier personnalisé. Dès qu’on le prend en main, c’est juste du présent, sans date et sans année. Pour l’activer, il suffit d’y écrire « J’accueille le plaisir et la joie », et le reste dépend de moi.

Et comme de bien entendu, je leurs dis : « Bien sûr, ça ne peut pas faire de mal et c’est pour une bonne cause ».

Ce qui m’intrigue le plus c’est que dès que j’ai le semainier en main, il prend la forme d’une clé. Un passe partout qui m’appartient et qui ouvre toutes mes serrures jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’il n’y a jamais eu de portes. 

Et là je me dis : « Je me suis enfermé toutes ces années et pourtant j’avais la clé. Avec ce passe partout, je suis ce que je décide d’être, et par conséquent je suis, si je décide d’être ».

Philippe Lafargue

Cet article vous a plu ? Partagez le :)